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1 : Nouvelle > Amsterdam (1er Partie)

 

Amsterdam, en ces premiers jours d'avril, sous une pluie fine, me paraît triste et sombre. Pourtant, je marche en direction du quartier rouge le coeur léger, en compagnie des trois acolytes avec lesquels j'ai fait le voyage en voiture depuis Paris.
Nous rions beaucoup en chemin, sous l'emprise d'une herbe que nous avons fumée dans un coffee shop. C'était une drogue extrêmement forte, dont les puissants effets ne se sont pas fait attendre. À tel point que nous en sommes, nous-mêmes, très étonnés.

Après plusieurs détours par des rues toutes semblables, qui bordent des centaines de canaux, nous empruntons un passage où les vitrines sont éclairées par des néons rouges. Bien qu'il soit tard dans la nuit, nous nous retrouvons dans une foule de gens et nous déambulont avec eux, lentement, dans des ruelles, quelquefois très étroites, tout en contemplant des vitrines aguicheuses.

Derrière ces vitrines se trouvent des femmes qui font, à Amsterdam, le plus vieux métier du monde. Elles s'exposent dans des intérieurs confortables, à l'apparence de chambres cossues, ou dans des petits boxes, assez austères, vers lesquels seuls leurs charmes attirent nos regards.

Je vois une brune maquillée à outrance. Elle porte de dessous affriolants sous une longue chemise de nuit, complètement béante, et des chaussures à talons. Un peu plus loin, je m'arrête devant une Asiatique au corps menu, un peu trop jeune à mon goût, mais très mignonne. Un couple, certainement en manque de plaisirs conjugaux, s'interroge devant une vitrine ; une pute blonde, vêtue de cuir, les aguiche en donnant des coups de fouet à un partenaire imaginaire.

Ce spectacle me renseigne sur la variété des mœurs sexuelles. Et, je constate que, suivant ses goûts, il y a toujours moyen de trouver satisfaction à Amsterdam.

Un peu plus loin, un petit groupe vient de se former. Je devine une créature particulièrement attrayante. Je me rapproche. C'est une noire — elles sont nombreuses dans la rue où je me trouve maintenant, il faut croire qu'il y aussi des quartiers à l'intérieur du quartier rouge —. Elle porte un tout petit short, taillé dans un jeans extrêmement moulant, qui montre, plus qu'il ne cache, son cul, bien rond et bien ferme. Elle nous tourne le dos et s'appuie sur une commode. Commence alors un petit numéro, dans lequel la partie la plus émouvante de son corps a des mouvements souples et lents puis soudain secs et saccadés.

Cette danse a de quoi donner faim à tout le monde. Ensuite, elle se redresse et elle se retourne. Tout le monde a, durant quelques instants, retenu son souffle. J'aperçois sa bouche, pulpeuse, magnifique, ses dents d'une blancheur extraordinaire, et ses grands yeux de féline. Je m'attends à voir des langues se coller à la vitrine. Mais il n'en est rien. Un homme, vêtu d'un long imperméable, bouscule deux ou trois personnes pour se frayer un passage jusqu'à sa porte. Il l'atteint, il négocie, puis il entre et les rideaux se ferment. Alors, déçu, le petit groupe se disperse. Chacun emporte, sans savoir qu'en faire, une érection gênante.

Partout alentour, je vois des femmes, toutes les unes plus désirables que les autres et, surtout, toutes à ma portée, toutes prêtes à se donner. Combien ai-je d'argent sur moi ? Non, je ne devrais pas y penser. Payer pour ça… Sous l'effet de la drogue, mon désir sexuel est accru. Je sens en moi une chose terrible, comme un véritable chaos et une idée, presque qu'obsessionnelle.

Finalement, ce sont surtout les jugements éventuels de mes camarades qui m'en empêchent. Mais cette femme, comme j'aurais aimé lui foutre dans le cul, ça je peux le dire et tous en rigolent. Fallait y aller, elle était vraiment bonne. Henri a vu comment elle bougeait ses fesses. Le mec qui s'est précipité dans sa "boutique" avait l'air d'un vrai sadique, dit-il. Et je suis bien d'accord.

Qu'y a-t-il d'autre à voir ? Les Anglais se baladent également dans le quartier rouge. Plein de bière, comme à leur habitude. Nous c'est l'herbe, eux la bière. Je ne sais pas si c'est cela qui les rend si cons. Ils hurlent comme des porcs devant une vitrine. You wanna suck my dick ? Hey you wanna suck my dick son of… ?

Ils posent la question à un travesti. Ce dernier reste calme tandis qu'ils le couvrent d'insultes. L'un d'eux s'avance et baisse son froc, montrant ainsi son cul à l'objet de sa haine. Ils sont morts de rires. Ils s'acharnent sur le travesti. J'ai le sentiment que la situation pourrait vite dégénérer. Bientôt ils vont le lyncher pour montrer qu'ils ne sont pas tous homosexuels. Ce dont je doute. J'imagine que seul, l'un des membres de ce groupe, au moins, aurait était client de ce travelo. Être homophobe à ce point, c'est faire des terribles efforts pour cacher sa véritable nature, me dis-je.

Ce spectacle est révoltant mais je ne me sens pas de taille à affronter 15 Anglais en rut, mes amis non plus. Le courage, c'est ce qui nous manque. De la sagesse, nous en avons apparemment à revendre. Nous continuons notre visite.

J'ai pris un peu d'avance. Je marche seul depuis un moment, lorsque Dominique et Henri me rejoignent dans une rue qui borde encore un canal. Ils sont surexcités. Alain n'est pas avec eux. Il paraît qu'il est entré voir une pute. Je n'en crois pas un mot. Mais si, il faut que je vienne voir, c'est juste à côté. Je les accompagne mais, justement, il n'y a plus rien à voir. Les rideaux sont tirés. Je leur demande comment ça s'est passé. Ils n'en savent rien. Ils ont juste vu une porte s'ouvrir et Alain s'est précipité à l'intérieur, comme s'il avait été happé. Et la pute, ils l'ont vu ? Elle est jolie ? Ils n'en savent rien. Mince alors, qu'est-ce qui lui a pris ?

Nous attendons notre ami. Il y a d'autres vitrines dans la rue. Je suis passé devant plus de cinquante fois. Du coup, une prostituée m'a fait signe de m'approcher. Elle se prélassait quasiment nue derrière sa vitre. Mes nombreux passages m'ont permis d'étudier en détail son anatomie. Ce n'est pas elle qui me plaît le plus, sa voisine, une sorte de Lolita pendue au téléphone depuis des lustres — est-ce une véritable communication longue distance ou une mise en scène théâtrale pour illustrer le passe-temps favori des teenagers ? — a davantage accrochée mon regard. Mais je m'approche quand même. Elle m'ouvre sa porte. Si j'ai un peu d'argent, elle veut bien me faire profiter de ses charmes.

J'ai dit non. Je n'ai pas osé. C'était pourtant une bonne occasion.

Alain a enfin terminé. Nous le voyons sortir et, contre toute attente, sa mine est défaite. Nous nous précipitons tous autour de lui pour entendre le récit de ses prouesses — on imagine qu'il a dû en faire pendant tout ce temps —, mais il ne dit rien, il marche, il s'en va.

Nous décidons d'attendre pour voir la tête de la pute qui l'a retenu pendant si longtemps, mais les rideaux restent fermés, elle n'apparaît pas. Nous rattrapons alors notre compagnon pour le bombarder de questions mais il reste toujours silencieux.

Voulant moi aussi tenter cette expérience dans une certaine quiétude, j'incite Henri et Dominique à le laisser tranquille mais, rien à faire, ils veulent savoir. Alors, t'as fait quoi ? C'était bien ? Raconte, elle était comment ? T'as payé cher ? Les questions pleuvent sur Alain et, quoi qu'il fasse, on ne le lâchera pas tant qu'il n'aura rien dit. Finalement, excédé, il s'arrête, nous fixe tour à tour de son regard noir et dit : C'était un mec.

Comment t'as pu faire ça avec un mec ! s'exclame Dominique, t'es pédé ? Alain hausse simplement ses larges épaules et s'en va. Nous restons quelques secondes bouches bées, sans doute anéantis par le choc de la surprise, avant de le suivre. Quelle soirée !

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