Infidèle

sommaire des nouvelles

 

Cette nuit, j'ai rêvé que non pas Julie, mais Julia me téléphonait. Il faut dire que Julie est une jeune fille absolument ravissante que j'ai rencontrée il y a quelques semaines dans un bar (elle était avec des copains) et sur laquelle j'ai complètement flashé. Nous avons échangé nos numéros de téléphone, mais elle ne m'a jamais appelé et je me suis fait jeter lorsque je l'ai appelée pour lui proposer de nous revoir. Malgré tout, je n'ai cessé de penser à elle.
Je suis un peu stupide, je l'avoue, car j'apprécie de tomber amoureux et, ma foi, je tombe assez facilement. Il suffit en général qu'une jeune fille me paraisse intelligente, qu'elle ait du charme ou un semblant de caractère et qu'elle soit jolie pour que je me sente attiré vers elle à un point que vous ne sauriez imaginer. Je n'en dors plus la nuit. Je suis prêt à tout sacrifier, tout abandonner pour partir avec elle à l'autre bout du monde afin de vivre une folle passion amoureuse. J'élabore tous les plans possibles et imaginables pour la rencontrer.

Quelque chose me gêne dans l'expression de cette idée, mais l'homme ou la femme élabore des plans pour séduire. Je fais cela. Je le fais, mais je n'y crois pas. L'expérience m'a appris que ça ne marche pas souvent. Les rares fois où j'ai réussi à séduire une femme grâce à un plan élaboré à l'avance, c'est qu'elle avait décidé, elle, dès notre première rencontre, de se laisser séduire. Julie n'avait rien décidé de tel, mais le fait que nous ayons échangé nos numéros de téléphone m'y a fait penser très fort.
Après un premier râteau, je n'ai pas voulu renoncer à l'amour merveilleux, mon grand, mon bel amour, qui était peut-être là, si près de moi, mais dont je ne pouvais me saisir. Julie c'est ainsi que tu fais souffrir les hommes et pourquoi pas " l'hOmme " avec ce fameux grand " O " que j'aurais été cherché dans le Loft si le lecteur m'avait autorisé quelques références modernes pour lui parler d'amour. Julie, toi ou la femme que je me représente dans mon esprit, fait souffrir l'homme à cause de sa gentillesse, de son esprit et de son sourire d'un soir, mais de son corps également, le plus admirable qui soit. De plus, tu t'esquives à mes avances, telle une créature furtive et mystérieuse. Le mystère Julie, tu sais pourtant qu'il n'y a rien de tel pour attirer l'attention.

J'avais l'esprit torturé par la pensée de cette jeune fille et je ne pouvais renoncer à partager avec elle l'amour dont mon cœur s'était si vite rempli. Car tu l'as fait battre mon cœur, Julie ; je me souviens encore de ses coups violents contre ma poitrine.

Elle se trouvait à un endroit éloigné et inconnu de moi, pourtant elle avait cet étrange pouvoir d'être tout entière dans ma poitrine et d'y laisser échapper son souffle. Un souffle capable de m'anéantir. Pendant qu'elle me faisait souffrir de l'intérieur, je sentais ma douleur s'exprimer au niveau d'un seul organe : le cœur. Tu t'en étais emparé et tu ne te doutais de rien. L'organe. La douleur physique. Tout cela est important dans notre non-relation. Je t'ai aimé sans te voir et sans te connaître. Je t'ai aimé et je t'ai senti, pendant quelques jours, accrochée à mon cœur. L'organe. Celui qu'on représente bêtement pour montrer deux personnes qui s'aiment. J'ai enfin compris pourquoi.
Quand on aime, physiquement c'est n'est pas le foie, la rate ou les reins qui s'expriment. Non, c'est au niveau de la poitrine que tout se joue, c'est ce générateur de vie, cette pompe à sang, qui nous le fait sentir. Il nous étouffe. Il devient gros et nous gêne. C'est dangereux d'aimer, mais il n'y a rien de tel que l'amour pour nous sentir vivant et entendre notre cœur battre des rythmes mêmes très irréguliers.

Julie, que j'ai imaginée en femme conquise, n'a jamais été conquise. Du moins par moi. Un autre homme l'aura séduite sans doute, mais l'imbécile ne sait pas qui il serre dans ses bras. En fait, j'imagine plutôt que c'est elle qui l'aura séduit. Le pauvre n'y aura été pour rien. Les goûts des femmes demeurent et demeureront toujours un mystère pour les hommes. Je ne représente rien pour Julie si ce n'est peut-être un emmerdeur, un gonfleur, un saouleur, un raseur et quoi d'autre encore je ne sais. Je ne veux plus savoir.

Julia est un personnage crée par mon subconscient. Elle existe uniquement dans mon rêve. Non, je me trompe. Julia est la clé qui permet à Julie de s'infiltrer dans mon rêve et de reprendre possession de moi. Julia, elle est moche, grosse et vulgaire. Elle s'habille en rouge et noir. Elle porte une jupe en cuir et quelque chose qui lui ceint la poitrine et les hanches. J'ignore où nous avons fait connaissance. Dans mon rêve, Julia me téléphone et nous nous parlons. Elle veut me rencontrer. Soit, j'accepte ; qu'elle vienne, je l'attends. Mais l'instant d'après, alors qu'il est trop tard pour changer d'avis, je me rends compte que j'ai fait une terrible erreur. Ce n'était pas Julia, mais Julie que j'avais envie de voir. La similitude des deux prénoms m'a embrouillé l'esprit. C'est Julia que je vais avoir alors que c'est Julie que je veux. Julia me permet de me rendre compte à quel point Julie me manque. J'ai maintenant très envie de la revoir. J'aimerais croire que j'ai fait une erreur que ce n'est pas Julia, mais Julie qui m'a appelé. D'ailleurs, je ne connais aucune Julia, n'est-ce pas ? Pourtant, j'ai son image dans ma tête, telle que je viens de la décrire. Julia la grosse. Retire-toi et cède ta place à Julie la belle.

Il fait nuit. Je dors toujours. La chaleur me gêne un peu. Je me retourne et passe mes bras sous mon oreiller. Je commence alors à l'étreindre. Je pousse un petit soupir. Ma femme se réveille. Elle se lève sans faire de bruit et s'en va dans la cuisine remplir un verre d'eau. Lorsqu'elle revient dans la chambre, elle n'a plus soif. Elle m'entend prononcer quelques mots. Je parais sans doute un peu agité dans mon sommeil. Elle s'apprête à se recoucher près de moi lorsque qu'elle m'entend prononcer très distinctement un prénom féminin. Julie.

 

Bookmark and Share