J'ai rêvé qu'Hakim avait disparu. L'arrivée de gens suspects dans le quartier - qui se sont avérés être des flics en civil - lui avait fait comprendre qu'il devait se mettre au vert. Il est parti sans laisser d'adresse, abandonnant tous ses clients, des pauvres camés, à leur pauvre sort. J'en croisais quelques-uns uns qui traînaient. Certains me demandaient si j'avais des nouvelles. Je leur répondais toujours de la même manière. Je ne savais pas où il était ni quand il reviendrait. Les plus optimistes se disaient qu'il étaient parti prendre livraison et étaient persuadés que leur dealer favori reviendrait avec une quantité incroyable de came. Une poudre vachement bonne et cool pour eux. Ils étaient comme des gosses : ils attendaient leur Père Noël. Le temps passait et ils réussissaient à faire naître une vraie rumeur, si bien que les flics, déjà sur la piste d'Hakim, avaient la conviction d'avoir ferrer un très gros poisson. On pensait qu'il allait inonder Belleville de stupéfiant. Tous les camés l'attendaient maintenant comme le Messie. Les flics interrogeaient tous le monde. Ils devenaient de plus en plus nerveux à mesure que la rumeur du retour d'Hakim s'amplifiait. D'autres dealers, doublement malhonnêtes, vendaient déjà la fameuse came qu'Hakim était, d'après la légende, censé être aller chercher. Ils faisaient monter les prix en disant que c'était elle, qu'elle était enfin arrivée. Des gars, après s'être shootés, l'avaient trouvé tellement bonne, qu'ils avaient été persuadés de l'avoir acheté à Hakim lui-même. Ils l'avaient vu, ils y avaient goûté : c'était de la balle. Hakim était un Dieu. Toutes les polices de France étaient à ses trousses. En m'écoutant lui raconter ce rêve, Hakim était très intrigué. Plusieurs fois, il me demanda de revenir sur certains détails. Il voulait surtout savoir si, dans mon putain de rêve, les flics réussissaient à le choper. Il me disait : réfléchit bien, c'est très important, ils ont fini par m'avoir ou pas ? Je devenais mystique. Je ne disais ni oui ni non, laissant planer suffisamment de mystère. Ce rêve avait à la fois un côté positif et un autre très négatif, lui dis-je. On comprenait bien qu'en le vénérant, les camés faisaient porter l'attention de la police sur lui. Tu penses qu'un de mes clients va me donner aux flics ? C'était possible. C'est dingue quoi, franchement quoi, c'est un rêve de ouf que tu as fait
Et moi, tu sais que j'ai rêvé que je me faisais buter dans une fusillade avec la police.  Envoyer un mail à l'auteur | haut de page | Derniere version | Il y a ainsi des présages qui ne trompent pas. Quand trop de signes conduisent à la même chose, je commence à y croire et à y faire attention, lui dis-je, je suis certain que la police est vraiment derrière toi, Hakim. Je le sentais vraiment inquiet. J'avais réussis à lui faire peur avec mon rêve inventée de toutes pièces. C'était la première partie de mon plan. Je comptais ensuite le persuader de se tenir à carreau et, enfin, dans la dernière partie du plan, lui faire comprendre qu'il avait intérêt à éviter qu'un individu tel que Cyril porte plainte contre lui. C'est seulement alors que je comptais lui faire part de la proposition de Jésus. Nous nous excusons et Cyril ne porte pas plainte. D'ici quelques jours, je pensais qu'il serait mûr pour accepter ce marché. Hakim, qui était resté silencieux, perdu, comme moi, dans ses réflexions, rompit tout à coup le silence. Si ça se trouve, je flippe pour rien, les rêves ne se réalisent pas toujours quoi, dit-il. Mais il se trompait. La police était réellement à ses trousses et rien n'était plus réel que mon rêve inventé de toute pièces. Hakim se leva. Y faut que je rentre. J'ai tendu la main, elle a claqué contre la sienne puis j'ai serré le poing et nos mains se sont rencontrés à nouveau, poing contre poing.
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