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1er version du roman> Chap 5 : Louise

 

A mesure que nous nous éloignions, je me sentais de plus en plus dégoûté et profondément désespéré. J'étais au chômage depuis deux ans et je n'avais plus aucune idée d'un travail que j'aurai pu trouver. Les chefs ou les petits patrons comme Cyril étaient à exclure de mon monde. Je regrettais de ne pas avoir eu assez de cran pour le corriger comme l'avait fait Hakim. En fait, moi seul aurait dû régler son compte à ce jeune prétentieux. Mais je suis sans doute trop intégré à un système qui exclu ce genre de réaction. J'accepte et je respecte tous ces petits pouvoirs à la con. Je me laisse humilié par ceux qui peuvent me donner du travail. Ils ont le bon rôle parce qu'étant chômeur on n'a pas vraiment le choix. On se présente à eux avec l'espoir de sortir d'une situation qui nous pèse et menace de faire de nous des exclus. C'est la grande peur de notre époque et ils en font l'instrument de leur domination.

Je doutais, dans ces conditions, que l'égalité des hommes soit une réalité du monde du travail, et je ne pouvais accepter mon manque de réaction lorsque Cyril avait tenté de me rabaisser. Hakim, avec son tempérament de voyou, ne s'était posé aucune question. Pour lui, tout se règle d'homme à homme et par la force des poings. Il s'était jeté sur Cyril sans aucun égard pour sa position et lui avait infligé une sévère correction. Il avait fait ça pour moi. Je lui en étais reconnaissant mais j'étais également en proie à un grand sentiment de colère. Une colère que je sentais bouillonner en moi contre le monde entier. Il m'aurait fallu tout casser et mettre le feu à la terre entière pour m'en débarrasser. Je restais silencieux. Même pour Hakim, ma reconnaissance se serait transformée en expression de ma colère si j'avais ouvert la bouche. Tout en marchant, je serrais les poings dans mes poches tandis qu'il vérifiait le bon état de ses membres. Sa main droite lui causait quelques soucis. Je l'entendis dire : Putain, j'me suis niqué le poignet sur ce salaud. Moi, il me semblait que ma vie entière avait été niqué au contact de ce salaud.

Que faire maintenant ? Devenir, comme Hakim, un petit trafiquant ? Rendre service à tous ces fumeurs de shit et gagner par la même occasion ma vie ? Non, je savais que je n'étais pas fait pour ça. C'est un métier qui ne s'improvise pas. Il faut être malin, avoir le sens des affaires et celui des magouilles. Moi je suis trop fainéant pour cela. Je vois faire Hakim, je le vois préparer ses rendez-vous avec ses fournisseurs. Je le vois chercher des planques pour sa came, je le vois aussi couper puis peser le shit pour en faire des petites barrettes ou des grosses tablettes. Je le vois préparer les commandes des habitués puis leur fixer rendez-vous toujours dans des endroits différents. Untel sera toujours bien servi, et du shit de qualité en plus, parce que c'est un vrai connaisseur. Celui-là tu peux lui faire fumer n'importe quoi. Hakim prend soin de la clientèle qu'il veut fidéliser. Il se verrait bien à la tête d'une petite entreprise finalement mais, pour le moment, c'est interdit tous ça. Alors, je pense qu'il a plus de chance de finir en taule. Comme un vrai bisness-man.

Je vaux beaucoup moins que lui, pourtant, un jour, je me suis permis de lui faire la morale. L'argent mène ce monde et le sens morale n'est absolument pas compatible à celui des affaires. Je devrais le savoir. Faire en même temps l'éloge de tout ce que l'argent peut nous procurer et donner aux jeunes le goût du travail payé une misère ... Il n'y que les hommes politiques de droite pour vendre cette idée et leurs électeurs pour y croire. Comment donner tort à Hakim, qui se fout de la politique, de gagner du fric par le meilleur moyen à sa disposition ?
Rien, finalement, ne nous garantie une place dans la société, surtout pas le fait d'être honnête.

J'avais décidé de chercher du travail et pour tout résultat j'étais arrivé à croire davantage au choix d'Hakim qu'à ma possible réintégration dans la société. Je n'avais absolument aucune raison de lever la tête pour essayer de voir devant moi ce que l'avenir pouvait me réserver. Cependant, aux abords de la place Clichy, un cri se fit entendre derrière nous. Nous nous retournâmes et, à notre grande surprise, nous vîmes apparaître la secrétaire de Cyril.
- Qu'est ce qu'elle nous veut celle-là ? m'a demandé Hakim.
Comment aurai-je pu le savoir ? De toute manière, comme nous stationnions tout en la regardant courir, elle ne tarda pas à être à notre hauteur
- Il m'a viré.
- Qu'est ce que tu veux qu'ça nous foute ? lui a dit Hakim ( il portait sur la joue et sur le cou, quelques marques de griffures qui ne pouvaient provenir que d'elle ).

Elle ne lui répondit pas. Elle tentait de retrouver son souffle. Je voulais connaître son prénom. Elle me dit Louise tout en mettant la main sur sa poitrine pour lui faire cesser des mouvements, qu'elles jugeait sans doute intempestifs si proche de nous. Mais nous regardions ailleurs, je vous l'assure.

Son apparition si soudaine et si inattendue me redonnait espoir ; je ne savais pas encore en quoi exactement. Derrière nous, il y avait un petit bar. On voyait à l'intérieur des bibelots de toute sortes suspendus aux murs et au comptoir. Une petite curiosité du Paris populaire tel qu'il s'exprime dans le XVII eme. Elle connaissait ce bar : il était très sympa. Nous avons décidé d'y rentrer pour y fêter nos malheurs et faire plus ample connaissance. Hakim a franchit le seuil en premier, moi, galanterie oblige, j'ai laissé passer Louise avant d'entrer.

Nous nous sommes installés au fond du café. Elle ne semblait pas affectée par la perte de son travail. Une fois qu'elle eut retrouvé son souffle perdu pour nous rattraper, elle paru même satisfaite. J'attendais une bonne occasion pour partir et c'est vous qui me l'avez donné, nous confia-t-elle, je dois vous dire merci. Nous ne comprenions pas pourquoi elle avait tellement tenu à nous le faire savoir ni pourquoi elle avait attendu que son patron se fasse agresser pour le quitter. Quand vous êtes parti, il a commencé à m'engueuler, alors j'en ai eu marre, je lui ai dit qu'il avait bien mérité de se faire casser la gueule et puis tout ce que j'avais sur le cœur est sorti comme ça, sans que je m'y attende, c'était vraiment génial, je me sens vachement mieux maintenant.


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Tout en parlant, elle accompagnait ses phrases de gestes ou de petites mimiques, qui sans doute, devaient exprimer les émotions de son interlocuteur ou, quelques fois, les siennes. Nous la trouvions fort sympathique. Elle était très différente de l'espèce de robot qui m'avait accueilli quelques minutes plus tôt, dans cette boîte de coursier où, pour rien au monde, je ne remettrai les pieds. Hakim était fier de sa libération tout comme de la mienne d'ailleurs, car, pour lui, le travail n'a jamais été un moyen de s'enrichir, surtout s'il est pénible. Moi, tout en trouvant Louise géniale, je me demandais si le lendemain elle ne regretterait pas son geste et ne nous en voudrait pas d'avoir fait d'elle une chômeuse. Elle me rassura. Ce n'était pas seulement cette bagarre qui l'avait décidée à s'en aller. Cyril avait beaucoup changé depuis que les affaires commençaient à bien marcher pour lui. Il jouait maintenant au mec qui a réussit. Il était odieux.

J'étais satisfait d'entendre dire, par le bouche de sa charmante secrétaire, que ce jeune patron présomptueux était un salaud, car j'avais ainsi la certitude de ne pas m'être tromper dans mon jugement de cet individu, malgré tout le bien que Jésus avait pu m'en dire. Et Louise ne mâchait pas ses mots. On pouvait effectivement croire que quelque chose s'était afin libéré en elle. Et puis, merde, dit-elle pour conclure, de toute manière j'en avais assez de faire la conne dans cette boîte. C'est vrai quoi, cela faisait presque deux ans que j'y étais, vous rendez-vous compte, deux ans c'est quoi ?
Je calculais que c'était le temps qu'il m'avait fallu pour oublier Sandra. Je trouvais que c'était long deux ans. Que moi, finalement, je les avait perdu ces deux années, à pleurer, à me lamenter sur mon sort, à ne rien faire que souffrir.

Les gens changent suivant l'environnement qui les entoure ou la fonction qu'il occupe. Louise n'était plus la secrétaire de Cyril. Louise souriait, Louise nous parlait. Louise était vivante et nous nous connaissions depuis des années. Cependant, après vingt minutes d'une discussion complice et agréable, Hakim changea complètement d'attitude. Il se mit à la regarder d'un œil soupçonneux et, dès lors, fit tout pour refroidir l'ambiance chaleureuse qui s'était instaurée entre nous. Lorsque je parlais, je recevais de temps à autres des coups de pieds sous la table. Certains de ses coups étaient si violents que je ne parvenais qu'in extremis à réprimer l'expression orale de mon mécontentement.

Quand Louise se leva et dit qu'elle devait faire un tour aux toilettes, j'eu enfin une explication de sa part. Cette meuf, elle est chelou, dit-il, d'abord elle gueule parce que je cogne son patron et, juste après, elle nous court derrière pour faire style vous êtes mes potes. Y'a une embrouille kek'part, j'suis sûr. Accusation absurde. A force de vendre du shit et d'en fumer mon ami devenais parano. Croire que Louise jouait la comédie. Quelle extraordinaire comédienne alors, en vérité. Et pourquoi ferait-elle cela ? Quel intérêt pour elle ?

Hakim pense que le jeune patron à qui il vient d'infliger une bonne correction par ma faute nous envoie sa secrétaire afin de nous tendre un piège et d'essayer de nous coincer à un moment où un autre. Si ça se trouve ce keum est plus vicieux qu'on croit, dit-il, y va nous baiser comme deux bouffons à cause d'elle. Je l'accuse à nouveau d'être parano. On n'a jamais vu ça, quelqu'un qui se méfie autant des autres, et pour rien en plus, ce connard de jeune patron n'a-t-il pas mieux à faire que d'envoyer sa secrétaire à nos trousses ? Dans quel monde croit-il que nous vivons ? Je lui dis qu'il est révolu le temps des cow-boy ou celui de la mafia. Fini l'époque de la violence et des règlements de compte. Plutôt que de nous faire espionner, Cyril ira porter plainte à la police. Pas besoin de charger sa secrétaire d'un sale boulot. Et puis on voit bien que c'est pas le genre de fille à faire ça. Les flics nous trouverons bien tout seuls. En guise de conclusion, comme je dressais un portrait flatteur de Louise, de sa franchise, de sa loyauté, Hakim coupa court à tous mes arguments. On voit que t'es bien branché par son cul, t'es casse d'elle ou quoi ? Tout était dit.
Après, il rajouta qu'il fallait vraiment que je me méfie car il sentait qu'elle nous préparait un sale coup. Louise est revenue juste à ce moment là. Elle avait toujours le sourire aux lèvres.

Hakim ne la regardait plus et ne lui adressait plus la parole. Il m'était alors difficile de lui faire croire que rien n'avait changé. Mais que dire ? Il y a des choses auxquelles on pense mais qu'on ne fait pas. Je ne pouvais pas regarder Louise dans les yeux et lui dire qu'Hakim se méfiait d'elle alors que j'étais amoureux d'elle, que tout cela n'était pas contradictoires mais que nous aimerions connaître la vérité. Pourquoi nous avait-elle suivi ?

 

:: Commentaire

Ce chapitre a été retravaillé. Vous lirez donc, à gauche, sa dernière version.
Je rencontre beaucoup de difficulté dans la construction de ce roman, notamment avec le découpage des chapitres. Tout le problème vient du fait que je sais où je veux aller mais je ne connais pas le chemin pour m'y rendre. Il y en a certainement plusieurs : à moi de trouver le meilleur.
En retravaillant les premiers chapitres, j'ai décidé de bouleverser mon plan et de ne faire qu'un chapitre avec les chapitre 4 et 5, ce qui me paraît beaucoup plus logique étant donné que la même action se poursuivait de l'un à l'autre.
J'ai également décidé de me débarrasser des dialogues. Ce n'était pas un choix facile à faire. J'ai tout simplement l'impression que le texte est, paradoxalement, beaucoup plus vivant, s'il n'est pas "interrompu" par les discussions des personnages.
Certains lecteurs ne seront pas d'accord avec moi mais je n'ai pas de forum sur ce site pour qu'ils puissent s'exprimer. Ouf, tant mieux.

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