Cette nuit-là, je me retournais
plusieurs fois dans mon lit en maudissant ce que ma grand-mère
aurait appelé mon esprit d'escalier. C'est ainsi, m'avait-elle
appris, que l'on qualifiait l'esprit des personnes toujours en retard
d'une bonne réplique. Ce n'est qu'en bas de l'escalier, lorsqu'elles
quittaient le salon de leur hôte, qu'elles se disaient : Ah
zut ! J'aurais dû répondre ceci ou dire cela. Je ne m'endormis
qu'au petit matin. Lorsque je me réveillai, quelques heures
plus tard, je décidai de délaisser à nouveau
mes recherches d'emploi pour m'occuper de retrouver Louise. Grâce
à notre petit jeu des présentations, je connaissais
son nom de famille. Cependant, dans l'annuaire, je trouvais des Montel,
des Monteille, et des Monteil sans H et d'autres avec un H mais pas
de Louise et aucun Monteil dans le XIeme. Je leur avais tous téléphonés
pour savoir s'il avait une Louise dans leur famille. La première
personne que j'avais eue m'avait annoncé que Louise Monteil
était décédée 3 jours auparavant. C'était
sa grand-mère. Une autre m'avait appris qu'elle avait une cousine
qui s'appelait Louise, mais son nom de famille c'était Richard.
Une autre m'avait demandé pourquoi vous voulez parler à
Louise Monteil ? Je lui avais demandé, plein d'espoir, vous
la connaissez ? Et elle m'avait répondu non. Un autre, enfin,
m'avait dit, si vous voulez retrouver une inconnue, vous n'avez qu'à
mettre une annonce dans Libé, c'est comme ça que j'ai
retrouvé celle qui est aujourd'hui ma femme. Je l'avais félicité.
D'autres m'avaient dit nous n'avons aucune Louise dans notre famille
et beaucoup, évidemment, m'avaient raccroché au nez.
L'idée de l'annonce n'était pas mauvaise. Je tentais
d'en imaginer le texte. Mille excuses, 2 jours magnifiques, n'aurais
pas dû faire scène à cause du snif que tu t'ai
envoyé. Non, il valait mieux faire simple et ne pas trop
en dire. Mille excuses Louise. 2 jours magnifiques ensemble. Voudrais
te revoir. Non. Voudrais te revoir ABSOLUMENT. C'était pas
mal. J'allais appeler Libé mais je ne l'ai pas fait. J'ai
préféré penser à Jésus. Peut-être
avait-il connu Louise lorsqu'il travaillait chez Cyril. J'avais
encore sa carte. Il pouvait m'aider à la retrouver.
J'ai laissé plusieurs messages sur son répondeur
avant qu'il ne me rappelle le soir en me disant : Alors quoi ? Y
t'a embauché ? Je ne savais pas quoi lui dire. Alors Cyril,
il t'a embauché ou non ? Insista Jésus. J'avais peur
de lui infliger un coup trop dur en lui faisant perdre toutes ses
illusions sur ce patron qu'il considérait tant. A l'autre
bout du fil, Jésus commençait à s'impatienter.
Il voulait absolument savoir ce qui c'était passé
et pourquoi Cyril ne m'avait pas embauché. J'essayais de
tourné autour du pot. Je lui dis que j'avais eu maille à
partir avec lui. Mais il ne voulait pas entendre ce genre d'expression
qu'il ne comprenait pas. Parle-moi français, me dit-il. Ne
pouvant plus faire autrement, je lui racontai en détail l'accueil
de Cyril, la manière dont il m'avait traité et l'intervention
d'Hakim. Je lui racontai également la discussion que nous
avions eue dans le café avec Louise. Mais j'évitais
de lui dire qu'elle avait passé deux jours dans mon lit.
Pour finir, je lui dis très simplement que son ancien patron
n'était qu'un sale connard. Lorsque j'eus terminé,
nous écoutâmes tous deux le silence qui sépare
les âmes au téléphone. C'est vrai, dit enfin
Jésus, il est un peu frimeur. Puis il me demanda, Tu cherches
à revoir cette fille ? Je lui avouai que j'en avais envie.
Je vois qui c'est, mais je la connaissais pas vraiment, dit-il,
je peux peut-être t'avoir son numéro ou son adresse,
mais y faut me donner un peu de temps pour que je me renseigne.
Je n'ai pas cherché à lui cacher à quel point
cela me ferait plaisir. Alors il me dit : Dans ce cas, c'est pas
très cool de lui avoir fait perdre son boulot.
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