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Roman > Chap 11 : Louise retrouvée

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Je gardais à portée de main le petit bout de papier sur lequel j’avais noté le numéro de téléphone de Louise toute une journée sans oser l'appeler. Grande appréhension. Je cherchais ce que j'allais lui dire. Je ne trouvais rien. J'avais écris plusieurs petits discours pour avoir les mots justes sous les yeux. Savoir quels étaient ces mots a très peu d'importance puisqu'ils ont tous trouver le chemin de la poubelle. Lorsque je me décidais enfin à composer le numéro que j'avais tant voulu avoir, je n'avais aucune fiche ; j'étais décidé à improviser ou à mourir.

Mais comment avais-je fait pour avoir son numéro ? Pour Louise, la surprise ne paraissait ni feinte ni désagréable et j'en remerciais le ciel ; l'incident qui avait eu lieu chez moi était apparemment oublié. Je lui racontais ma rencontre avec son frère. Le monde est petit, n’est-ce pas ? C’est incroyable cette histoire. Elle pensait que son frère et moi nous étions connus par un heureux hasard. Je ne cherchais pas à l'en détromper. Et ton pote Akhim, qu’est-ce qu’il devient ? Je lui répondis qu’il n’avait, jusqu'alors, tué personne. C'était évidemment une plaisanterie destinée à détendre l'atmosphère, mais Louise ne sembla pas le prendre sur ce ton, après une pause un peu gênante, elle me demanda, d'un air très sérieux, Est-ce que tu oserais lui demander de me buter si je te faisais une chose horrible ? En l'entendant prononcer ses mots, je me sentis mal. Le son de sa voix avait été fort étrange ; un peu mélancolique, un peu triste et désabusée, en tout cas, chargé de remords. Je me souvins des mises en garde d'Akhim et de sa méfiance à son égard. Il me sembla qu'elle voulait se faire pardonner une faute à venir, qui allaient confirmer les soupçons de mon ami. Je m'attendais à quelques aveux troublants de sa part car, je ne sais pourquoi, j'avais soudainement pris ses paroles au premier degré. Ma voix en fut légèrement troublée lorsque je lui demandais, Quoi par exemple ? Pour commencer, je pourrais, par exemple, te raccrocher au nez, me répondit-elle avec un grand accent de triomphe. Je m'étais fait prendre à son jeu. J'étais comme un enfant à qui l'on a fait croire qu'une catastrophe terrible s'est produite et qui découvre qu'il s'agissait d'une simple farce. J'éprouvais un gros soulagement. Je lui répondis en simulant un plaisir sadique, Si tu fais ça je n'envoie pas Akhim, je viens moi-même te faire la peau. Elle rit de nouveau, très contente d'elle. Elle venait d'instaurer, à travers notre dialogue, un petit jeu qui, entre nous, ne cesserait qu'avec la fin de notre liaison. Ce jeu s'apparentait à une sorte joute de comédien. Nous improvisions chacun notre rôle ; nous jouions des personnages, inspirés de nos propres caractères, qui souvent disaient le contraire de ce que nous pensions. Quelquefois, il nous fut difficile de distinguer la limite entre ce jeu et nos véritables pensées. Bon, dis-moi franchement pourquoi tu m'appelles. Je répondis, J'aimerais te revoir. Ces mots sortirent de ma bouche sans que je n'aie besoin de réfléchir. Ils lui firent plaisir.

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Louise habitait un petit studio, sous les toits, à quelques pas de la place de la Bastille. Pour arriver chez elle, l’ascension des six étages ne fut jamais aisée mais je montais au paradis. En entrant, elle me dit de me mettre à mon aise. Je m’affalais sur son canapé convertible. Pendant ce temps, elle sortait d’un tiroir un petit sachet d’herbe et des feuilles à rouler Elle s’était assise à côté de moi. Je la regardais faire. Quelques secondes plus tard, elle allumait un joint de cannabis. Elle trouvait que l'herbe était meilleure que le shit et elle la fumait toujours sans tabac. J’avais, pour ma part, l’habitude de la mélanger avec la moitié d'une cigarette. Elle me dit c'est une hérésie et, après m'avoir tendu le joint, elle se leva pour mettre de la musique. C’était Portishead. Durant un moment, dont je ne saurais définir la durée, je me laissais emporter par cette musique si envoûtante. Les sons des guitares et la voix que j’entendais me semblaient extraordinaires. Nous ne parlions plus. Quelques regards vers elle, vers les différentes parties de son corps. Quand elle portait le joint à sa bouche, j’admirais le mouvement de sa main qui avançait vers son visage, comme portée par la musique. Après avoir tiré une longue bouffée, elle pencha sa tête en arrière, tout en fermant les yeux. Elle resta quelques secondes sans bouger, dans cette position, semblant évoquer l'abandon total de son corps et de son esprit. Je la trouvais alors terriblement sensuelle, et j'éprouvais une irrésistible envie de lui baiser le cou, à laquelle je résistais cependant. Elle fit un geste pour se lever et je l’entendis dire : on va se mettre à l’aise. Le canapé devint un lit. Quand cette métamorphose se fut accomplie, nous nous embrassâmes. Impossible de dire qui en avait pris l’initiative. Nous nous embrassions comme des fous, sans plus savoir comment nous arrêter. Nos vêtements devinrent superflus. Pire encore : ils nous nous gênaient. Nous devions nous battre pour les retirer, sans que nos lèvres ne se désenlacent et sans que nos caresses ne cessent. Sa peau était fine, très douce et agréable à caresser. Entre ses cuisses, je sentais un parfum de vie. Il me ramenait à des choses de mon enfance. Les bois, je pense. De la terre, très noire, dont les saveurs s’élèvent en automne, après la pluie. Nous avons fait l’amour toute la nuit durant. Il faisait très chaud et nous suions abondamment. Nos corps moites semblaient vouloir se fondre l’un dans l’autre. Nous nous arrêtions pour aller chercher un verre d’eau ou fumer un pétard. Je changeais de préservatif et nous reprenions. A force, il y avait une odeur de caoutchouc dans la pièce. Je la trouvais très désagréable car elle venait troubler les essences de nos corps.


Mangeur de cigogne