Pour comprendre ce qui s'était passé, il me fallait
revenir en arrière, au moment où Cyril avait demandé
à Akhim s'il pouvait lui rendre quelques petits services
pour ses amis.Quelques jours plus tard, ils s'étaient revus
et le jeune patron avait invité Akhim dans une petite fête
que donnait l'un de ces amis dans sa maison à la campagne.
Ce n'était pas une maison à la campagne mais un château
m'avait raconté Akhim. Il y avait un immense jardin et la
piscine qui va avec. Au moins 300 invités. Tous blindés
de thunes. Ça sniffait à donf dans tous les sens.
Fallait voir ça. Cyril lui disait, Tu vois le gars là-bas,
avec la petite minette, tu le reconnais pas ? Bien sûr que
si, Akhim le reconnaissait pour l'avoir vu dans une série
à la télévision. Je le voyais plus grand qu'ça,
fit-il remarquer. Cyril lui appris que c'était toujours comme
ça avec la télévision, elle rendait les gens
plus grands. Il pouvait donner l'exemple de Gérard Depardieu,
il était vachement plus petit lorsqu'on le voyait en vrai.
Akhim cru qu'il était également à la soirée
mais Cyril lui apprit que malheureusement Gérard n'avait
pu se libérer. Malgré tout, il y avait du beau monde
dans cette fête quand même. Akhim avait l'impression
d'être entrer dans son poste de télévision.
Les filles étaient très jolies. Il crut voir Sophie
Marceau mais ce n'était pas elle, seulement une jeune comédienne
qui lui ressemblait. Elle sortait avec un producteur qui était
là également et lui mettait de tant à autre
la main au cul avec un grand sourire aux lèvres. Mais lui
et l'autre acteur mis à part, Akhim devait m'apprendre, lorsqu'il
me raconta cette soirée, Y sont tous pédés
à la télévision. Ma parole, tu ne me crois
pas ? J'peux te le jurer sur le coran. J'ai vu l'autre là,
celui qui présente le journal, en train de rouler un gros
patin à un aut'mec. Mais peu importe, tout cela me laissait
assez indifférent. Je me foutais de savoir qui couche avec
qui dans le show-biz.
Cyril lui faisait voir une nouvelle clientèle au moment ou
Akhim ne voulait plus de celle de Belleville. L'ancien patron de
Jésus lui avait expliqué que tous ces gens, artistes
ou hommes d'affaires, ont des boulots très prenants. Il leur
faut souvent de quoi tenir car ils sont très souvent soumis
à des pressions que l'on peut difficilement imaginer. Akhim
avait très bien compris. Il goûta la drogue que consommaient
toutes ces stars et se dit qu'elle n'était vraiment pas terrible.
Il pensait pouvoir se faire beaucoup d'argent avec eux, grâce
à Cyril. Qu'est-ce qu'ils veulent ? Je peux leur fournir
n'importe quoi, dit-il. Et j'assure en plus la qualité. On
verra, lui répondit Cyril, un sourire satisfait aux lèvres,
qu'Akhim, malheureusement, ne sut correctement interpréter.
Deux jours plus tard, son biper sonna. Le numéro spécial.
C'était Cyril. Il lui expliqua qu'il était dans la
merde. Il fallait absolument qu'il dépanne un copain. Il
cherchait "Quelques grammes". C'était le moment
qu'Akhim attendait. Il allait la faire, sa nouvelle clientèle.
Il les voyait bien, les petits fils-à-papa comme Cyril, lui
sucer la bite pour quelques grammes. Il porta plusieurs petits paquets
d'une poudre blanche comme la neige. Il n'avait aucun soucis sur
la qualité ; elle était quasiment pure. Le client,
en goûtant une première fois, en redemande toujours.
Il serait par la suite toujours possible de couper davantage la
dope, la plupart le sentent après mais ils sont alors tellement
habitués à leur fournisseur qu'ils n'en changent pas
comme ça, du jour au lendemain.
|
Une autre fois, Cyril lui apprit que sa came a été
vraiment très appréciée et qu'il voudrait avoir
la même. Il était prêt à y mettre le prix.
Akhim lui parla du double parce que ce n'était pas évident
de fournir régulièrement cette qualité-là.
Et ils se mirent d'accord tous les deux. Les choses se répétèrent
ainsi deux ou trois fois. Puis Cyril se dit qu'elles avaient assez
durées, qu'il était temps de se venger de ce voyou
qui avait osé lui casser la gueule chez lui, dans son entreprise,
devant ses employés. Il décrocha son téléphone
et appela la police.
Ils étaient au courant du rendez-vous. Akhim faisait de
si bonnes affaires avec des gens respectables et influents, qu'il
ne se méfiait plus de rien. Il devait se rendre dans un bar
que lui avait indiqué Cyril.
Cette fois, la commande était assez importante. Il en avait
planqué un peu partout sur lui, même dans ses chaussettes.
Il entra. C'est un bar assez chic et très discret. C'était
le début de la soirée, l'endroit était calme.
Akhim s'installa au bar. Il commanda un perrier. Avant d'être
servis, un homme lui posa la main sur l'épaule. Police, veuillez
nous suivre s'il vous plait, sans opposer la moindre résistance,
rajouta-t-il.. Ils étaient en réalité une bonne
dizaine, tous en civils, à guetter ses moindres gestes depuis
qu'il était entré. Dehors, il y en avait encore d'autres
qui portaient l'uniforme.
Akhim avait senti la douleur des menottes contre ses poignets. Ils
l'avaient un peu bousculé. Après avoir trouvé
10 grammes sur lui. Quoi ? T'as que ça ? Tu n'en as pas d'autres
? Ils étaient là mais ils ne les trouvèrent
pas. Akhim avait réussi à s'en débarrasser,
lui-même ne savait plus comment. Fouille à nouveau.
Bousculades. On le fit entrer dans un véhicule portant couleurs
et armoiries des gardiens de l'ordre public.
Un individu, dés le moment où il tombe entre leurs
mains fait l'expérience de la violence légitime. Il
n'y a plus aucun respect, bien au contraire il faut l'humilier pour
lui montrer qu'il n'est rien, qu'il a voulu jouer au plus malin
et il a perdu. Ce sont les méthodes courantes de la police.
Personne ne pourrait les changer sinon les flics ne seraient plus
des flics. Les criminels méritent qu'on les bousculent un
peu.
Akihm se tait, il n'a rien à dire.
Il m'avouera plus tard : il a pleuré.
Je sui allé le voir en prison. Grâce à l'argent
qu'il s'était mis de côté il pouvait s'offrir
un très bon avocat. Le meilleur de Paris me dit-il, pour
ces affaires-là. Bizarrement, il ne me parla pas de vengeance
ni de tuer Cyril. Il me dit, Maintenant je vais avoir le temps de
lire. Tu sais j'ai déjà commencé un bouquin.
Les misérables, me dit-il, tu connais ? Je dis oui. C'est
un bouquin de Victor Hugo, j'ai déjà commencé,
j'en suis à la page 50. Je le félicitai. Ouais, il
me dit, mais c'est un putain de gros bouquin, y'a plus de 600 pages.
Pour ne pas le décourager, je ne lui ai pas dit qu'il devait
certainement être en plusieurs tomes.
|