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Roman > Chap8 : Devant la télévision Louise me quitte

 

La télé ne nous montre qu'une seule face des choses mais elle nous montre beaucoup. Des images qui sont le monde, le monde qui devient une image. Sandra et moi avions vus, presque en direct, des étudiants se faire massacrer sur la place Tienanmen, en Chine, la chute du mur, à Berlin, l'exécution d'un dictateur et sa femme en Roumanie, puis une guerre contre l'Irak dans le Golfe. Nous avons suivi aussi le triste sort de quelques soldats français dans l'ex-Yougoslavie mais ce n'était pas en direct. Il se passait beaucoup de chose dans le monde que nous ne pouvions comprendre. Je laissais ma télévision allumée malgré tout. Sandra n'aimait pas les informations mais elle ne disait pas comme moi : quelles conneries ! Elle n'en pensait rien de mal. Simplement ça ne l'intéressait pas. Elle était la preuve que l'on peut vivre sans être informé mais je n'y croyais pas encore. Je voulais connaître l'actualité. Les petites hausses du SMIC et les baisses d'impôt, les dernières décisions des ministres et les petits commentaires de l'opposition, la dernière rencontre entre Israéliens et Palestiniens pour aboutir à un accord de paix ou le nouvel attentat sanglant, le dernier voyage du pape, la nouvelle dévaluation de la monnaie au Brésil, mais surtout les résultats du championnat de France de football et les matchs de l'OM. Lorsque Bernard Tapie sombra, le club sombra avec lui. Des nombreuses irrégularités dans les affaires de cet homme couvert de gloire européenne, furent mises à jour, en plus de la corruption du joueur d'un club adverse. Comme nous assistions à une sorte de grand nettoyage – excès de zèle de la part des juges ? Avaient-ils, eux aussi, envie d'être vu à la télévision ? - il n'était pas le seul à qui le pouvoir judiciaire demandait de rendre des comptes. D'autres hommes d'affaires ou hommes politiques, beaucoup ne faisaient justement plus la distinction, l'ont suivi ou précédé en prison. Sitôt sortis, la télé nous les montrait à nouveau, comme s'ils pouvaient reprendre leurs activités en toutes quiétudes. Etions-nous satisfait ? Nous les regardions, les pauvres. Ils pleuraient dans nos écrans, alors que nous étions à table, tout en affirmant leur désir de retrouver les fonctions qu'ils occupaient avant de choir. Par certains côté, entre la soupe et le dessert, grâce à ces hommes malhonnêtes mais respectueux, la télé nous donnait le sentiment que la justice était d'une grande injustice. Du coup, Akhim, moi, ses amis, d'autres jeunes qui cherchaient encore ce qu'ils pourraient faire de leurs vies, comprenions que ce mot n'avait plus aucun sens.

Avec Sandra je regardais souvent Canal +, en clair, lorsque je n'avais pas encore de décodeur pirate, puis à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit. Nous regardions, sur cette chaîne, toute une série de nouveaux animateurs et animatrices, des jeunes qui ressemblaient à d'autres jeunes, c'est à dire à elle, à moi. La télé nous disait que n'importe qui, avec une gueule un peu sympa, pouvait faire de la télé. C'est pourquoi, cette chaîne ne nous fit pas seulement fantasmer avec un film porno chaque mois mais, déjà, elle posait les bases du futur succès du Loft de M6. Et Louise, la belle Louise, m'avoua qu'elle rêvait d'y être, derrière le petit écran. Elle voulait être connue et reconnue, aimée et célébrée. Les princes et les princesses, de nos jours, sont les gens qui passent à télé, c'est ça qui fait rêver. Elle me dit tout ça. Du coup, le soir, lorsque nous nous étions fatigué de faire l'amour puis de faire connaissance, j'avais allumé la télé pour que nous puissions nous épanouir devant des pubs et des programmes stupides dans lesquels un jour, peut-être, si elle avait de la chance, Louise figurerait.

Ce soir-là Akhim sonna à ma porte. Après lui avoir ouvert, je m'étais empressé de retrouver ma place près de Louise, sur le canapé. Elle et moi ressemblions presque à un vrai couple et notre attitude de dévotion amoureuse devant le petit écran, réclamait une quelconque sanctification. Mais, sa conception de la femme étant fortement marquée par sa religion, (il avait ouvert le Coran pour savoir ce qu'est une femme et aussi à quoi elle sert et, quand elle n'entrait pas dans les cases mère, sœur ou épouse, c'était une pute en puissance) Akhim ne pouvait nous la donner. Ayant couché avec moi quelques heures après notre rencontre, Louise ne pouvait être qu'une pute. Et je regardais la télé avec elle au lieu de la jeter ! Scandalisé, comme seul un croyant peut l'être, il faillit partir mais finalement il posa son cul sur un siège. Je faisais une dégringolade terrible dans son estime. Pour remonter tous les paliers desquels j'avais chutés, il aurait fallu que j'humilie Louise devant lui. Il attendait, sans doute avec un espoir, mais cette idée ne m'effleura jamais l'esprit. Antoine de Caunes, déguisé en rocker, avec une banane, un œil au beurre noir et quelques dents en moins, faisait son numéro à la télé. Il jouait la provoc et l'invité américain ne savait trop s'il devait lui répondre ou l'écouter sans réagir. Louise fixait l'écran en souriant quelquefois des pitreries de l'animateur. Elle ne prêtait aucune attention à Akhim. Il était en proie à une colère silencieuse, dégoûté, mais incrédule aussi, et finalement, un peu gêné car il avait réellement honte pour moi.

Pour détendre l'atmosphère, je décidai alors de rouler un joint. Akhim, en bon professionnel, ne pu s'empêcher de se saisir du morceau de shit pour l'examiner. Il fut rassuré de voir qu'il provenait de chez lui et il le reposa sur la table en disant qu'il en avait un meilleur encore, si je voulais goûter. J'aimais bien celui-là. Une fois que nous l'aurions fumé, je savais que les images de la télé seraient plus sympathiques à regarder et que j'aurais à nouveau très envie de Louise. Nous avons fumé en nous passant le joint. Contrairement à son habitude, Akhim ne s'attarda pas dessus.

Louise et moi n'avions rien mangé de la journée tellement nous nous étions occupés de baiser. Je réalisais que j'avais faim et j'allais faire une prospection dans la cuisine. Il y avait des pâtes et une boîte de sauce tomate mais je ne trouvais pas de fromage dans le frigo. Je faillis descendre chez l'Arabe qui me faisait crédit pour en acheter. J'y renonçais. Je vérifiais sur la boîte, à cause d'Akhim, qu'il n'y avait pas de morceau de porc dans la sauce. Lorsque je revins dans le salon, pour leur demander s'ils avaient également faim, je les trouvais occupés. Louise lui avait acheté quelques grammes de coke. Je vis des petites lignes blanches, sur la table, disparaître dans ses narines et il me fut impossible de retenir ma colère.

Qu'ai-je fais ? Qu'ai-je dis ? Je ne m'en souviens plus. J'entends encore sa voix, si haute, si tranchante, qui me déchirait le corps. Mais qu'est-ce qui t'arrive, ça ne va pas ou quoi ? Non ça n'allait pas du tout. Il était hors de question de faire ça chez moi. Mais ça quoi ? Akhim, comprenant qu'il était allé trop loin, voulait rendre à Louise son argent. Elle refusa, toujours en me regardant droit dans les yeux. Mais pour qui tu te prends ? C'est pas parce que tu m'as baisée que tu as tous les droits sur moi ! Elle pris ses affaires et claqua la porte derrière elle en disparaissant.

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