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Chapitre 16 : Je retrouve Louise

J'ai gardé à portée de main le papier déchiré sur lequel j’avais noté le numéro de Louise durant toute une journée sans oser l'appeler. Je cherchais ce que j'allais lui dire. Je ne trouvais rien. J'avais écris plusieurs petits discours pour avoir les mots justes sous les yeux. Mais, en définitive, je m'étais débarrassé de toutes mes notes en les jetant à la poubelle. Lorsque je me décidais enfin à composer le numéro que j'avais tant voulu avoir, je n'avais aucune fiche : j'étais décidé à improviser ou à mourir.
Mais comment avais-je fait pour avoir son numéro ? Pour Louise, la surprise ne paraissait ni feinte ni désagréable et j'en remerciais le ciel ; l'incident qui avait eu lieu chez moi était apparemment oublié. Je lui racontais ma rencontre avec son frère. Le monde est petit, n’est-ce pas ? C’est incroyable cette histoire ! Elle pensait que son frère et moi nous étions connus par un heureux hasard. Je ne cherchais pas à l'en détromper. Et ton pote Akhim, qu’est-ce qu’il devient ? Je lui répondis qu’il n’avait, jusqu'alors, tué personne. C'était évidemment une plaisanterie destinée à détendre l'atmosphère, mais Louise ne sembla pas le prendre sur ce ton. Après une pause un peu gênante, elle me demanda, d'un air très sérieux, Est-ce que tu oserais lui demander de me buter si je te faisais une chose horrible ? En l'entendant prononcer ces mots, je me sentis mal. Le son de sa voix avait été très étrange ; un peu mélancolique, un peu triste et chargé de remords. Je me souvins des mises en garde d'Akhim et de sa méfiance à l'égard de Louise. Il me sembla qu'elle voulait se faire pardonner une faute à venir qui allait confirmer les soupçons de mon ami. Je m'attendais à quelques aveux de sa part, car, je ne sais pourquoi, j'avais soudainement pris ses paroles au premier degré. Ma voix en fut légèrement troublée lorsque je lui demandais, Quoi par exemple ? Et bien, pour commencer, je pourrais te raccrocher au nez, me répondit-elle avec un grand accent de triomphe.
J'étais comme un enfant à qui l'on a fait croire qu'une catastrophe terrible s'est produite et qui découvre qu'il s'agissait d'une farce. J'éprouvais un grand soulagement teinté d'une petite honte. Je lui répondis en simulant un plaisir sadique, Si tu fais ça je n'envoie pas Akhim, je viens moi-même te faire la peau. Elle rit de nouveau, très contente d'elle. Bon, dit-elle finalement, et si tu me disais pourquoi tu m'appelles ? Je répondis, J'aimerais te revoir. Ces mots sortirent de ma bouche sans que je n'aie besoin de réfléchir. Ils lui firent plaisir. Elle me donna son adresse et me demanda d'arriver vite chez elle.

Elle habitait un petit studio, sous les toits, à quelques pas de la Bastille. Lorsqu'elle m'ouvrit sa porte, je me retrouvais en face d'un petit coin cuisine ou d'une kitchenette, selon le vocabulaire en vigueur dans les agences immobilières, qui, à l'origine, devait être un placard. Ce coin, tout petit, donnait refuge à un désordre digne d'une cuisine de restaurant, mais heureusement, le monticule de casseroles et d'assiettes qui débordait de l'évier n'envahissait pas l'unique pièce qui, relativement bien rangée, paraissait prête à accueillir un visiteur. Tu ne fais jamais la vaisselle, lui demandais-je après avoir franchit son seuil ? Sans prêter la moindre attention à cette question, elle me répondit simplement, Je n'aime pas ça. Me voyant debout et mal à l'aise au milieu de son séjour-chambre-à-coucher, elle m'indiqua son canapé convertible et me dit de m'installer. Pendant ce temps, elle sortait d’un tiroir un petit sachet d’herbe et des feuilles à rouler. Ensuite, elle vint s'asseoir à côté de moi, devant un petit meuble qui lui servit de table basse. Quelques secondes plus tard, elle allumait un joint de cannabis. Elle trouvait l'herbe bien meilleure que le shit et elle la fumait toujours sans tabac. J’avais, pour ma part, l’habitude de la mélanger avec la moitié d'une cigarette. Quelle hérésie, me dit-elle en souriant et, après m'avoir tendu le joint, elle se leva pour mettre de la musique.

Dés les premières notes, je reconnus Portishead. Je tirais quelques bouffés du joint puis, durant un moment, dont je ne saurais définir la durée, je me laissais emporter par les sons des guitares et la voix de la chanteuse que je trouvais si envoûtante. Nous restions silencieux. Je lançais quelques regards vers Louise, vers les différentes parties de son corps, puis ses yeux, pour voir qu'elle me regardait également. Lorsqu'elle portait le joint à sa bouche, j’admirais le mouvement de sa main qui avançait doucement vers son visage, comme portée par la musique. Après avoir tiré une longue bouffée, elle penchait sa tête en arrière, tout en fermant les yeux, et restait quelques secondes sans bouger. Je la trouvai alors terriblement sensuelle. Sa position semblait évoquer l'abandon total de son corps. J'éprouvais une terrible envie de lui baiser le cou, à laquelle je résistais cependant. Elle fit un geste pour se lever et je l’entendis dire dans un souffle, on va se mettre à l’aise.

Son canapé devint un lit. Quand cette métamorphose se fut accomplie, nous nous embrassâmes. Nous nous embrassions comme des fous, sans plus savoir comment nous arrêter.
Nous avons fait l’amour durant une longue partie de la nuit. Il faisait très chaud et nous suions abondamment. Nos corps moites semblaient vouloir se fondre l’un dans l’autre. Nous nous arrêtions pour aller chercher un verre d’eau ou fumer un pétard. Je changeais de préservatif et nous reprenions. A force, il y avait une odeur de caoutchouc dans la pièce, que nous trouvions très désagréable, car elle venait troubler les essences de nos corps.

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