ROMAN & NOUVELLES
thierry françois - L'origine des maux
Chapitre 1 |
Chapitre 2 |
Chapitre 3 |
Chapitre 4 |
Chapitre 5 |
Chapitre 6 |
Chapitre 7 |
Chapitre 8 |
Chapitre 9 |
Chapitre 10 |
Chapitre 11 |
Chapitre 12 |
Chapitre 13 |
Chapitre 14 |
Chapitre 15 |
Chapitre 16 |
Chapitre 17 |
Chapitre 5 : Evasion
Je marchais sans faire attention aux endroits où me conduisaient mes pas. M'étant enfoncé dans un périmètre que l'on disait "chaud", je me suis retrouvé devant une bande de jeunes aux allures patibulaires.Ils semblaient avoir épuisé tous les sujets de conversation et cherchaient une autre occupation. Après avoir pris conscience de ce danger je décidai de passer devant eux comme si de rien n'était. Hé toi ! Tu te crois où comme ça ?
Avant de réaliser que ma réponse ne serait sans doute pas appropriée, je m'étais retourné mais, leur faisant face, je gardais le silence. Le garçon qui m'avait interpellé plissait horriblement ses yeux et faisait en même temps une moue terrible avec sa bouche, ce qui signifiait, je l'appris plus tard, qu'il cherchait un moyen de me provoquer, de manière à voir si, vraiment, j'avais des couilles.
Heureusement pour moi, il n'eut pas l'occasion de satisfaire sa curiosité imbécile car l'un de ses acolytes avait eu une sorte de révélation et s'était exclama, Putain mais j'te connais ouat ! On s'est déjà vu kekpart, pas vrai ? Je souriais bêtement, m'efforçant de prendre un air détendu. Il devait certainement faire erreur. Son visage ne me disait rien. Il paraissait pourtant convaincu de me connaître. Ouais, c'est toi le mec qui sort avec la petite meuf tigen et out, pas vrai ? Celle qu'habite à côté du Franprix… Elle est où ta meuf ? J'la vois plus dans le quartier ça fait un bail ?
Voyant que j'étais connu d'un des leurs, les autres membres de la bande ne s'intéressaient plus à moi ; l'imbécile ne cherchait plus à me provoquer et la tension était retombée. J'abandonnai le sourire idiot sur mon visage. Il connaissait Sandra. En tout cas, il savait qu'elle et moi étions ensemble. J'étais surpris et intrigué. Je lui dis qu'il n'y avait plus de Sandra, que désormais j'étais seul. Putain ! Elle t'a tèj, pas vrai ? Elle est tipar avec un aut'gars, pas vrai ? L'un des jeunes de la bande s'énerva tout à coup, Ouais les keums, c'est keske j'vous disais t'à l'heure, c'est toutes des putes les meufs ! Hein, franchement ? J'avais pas raison t'à l'heure quand j'disais k'c'est des lopesas ? Ta gueule, t'es qu'un pauvre puceau, lui répondirent ses collègues. Et alors ? fit-il en crachant par terre, tout en faisant un geste d'agacement de la main.
En dépit de ma tristesse, je les remerciais pour tant de sollicitude et leur fis comprendre que je devais rentrer chez moi. Le jeune qui disait me connaître me prit alors par le bras et me dit, Ziva ! J't'accompagne un peu, le quartier est trop craignos, moi j'dis, pas vrai les mecs ? Tous lui ont répondu Ouais, faut pas traîner seultou la nuit, sinon t'es mort .
Nous avons marché quelques minutes en silence puis, lorsque nous sommes arrivés en bas de mon immeuble, il s'est arrêté et m'a donné une barrette de shit, cadeau de la maison m'a-t-il dit avec un sourire. Ensuite il est reparti sans me laisser le temps de le remercier.
Seul dans mon appartement, j'avais roulé deux joints. Je les avais fumés l'un à la suite de l'autre. Ensuite, couché sur mon lit, j'ai regardé le plafond de ma chambre. J'avais atteint un état de conscience étrange dans lequel la douleur que me faisait éprouver l’absence de Sandra ne m'appartenait plus. Elle était en dehors de moi et je tentais de voir, flottant dans les airs, quelque chose qui y ressemblait. Je découvrais au plus profond de mon être, pour chacun de mes actes, pour tous mes tourments, des mobiles pertinents. Je me disais que j'étais bien bête et que, en définitive, je n'avais jamais été amoureux de Sandra ; c'était autre chose que je voyais et que j'aimais en elle. Elle était une sorte de confort et de suffisance dans ma vie. J'allais jusqu'à découvrir qu'elle n'avait été pour moi qu'un moyen de me séparer de ma mère et de me venger d'elle.