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Chapitre 7 : Un déjeuner chez ma mère

Exceptée qu'elle était seule, ma mère avait réussie sa vie. Elle était heureuse que je l'appelle enfin. Elle venait d'acheter un appartement dans le 7eme arrondissement, accédant ainsi à un statut auquel elle avait rêvé toute sa vie, et ne comprenait pas que son fils ne s'associe pas à son bonheur.
N'ayant plus de travail et ne pouvant bénéficier du chômage, car j'avais démissionné de mon dernier emploi, je me tournais vers elle pour obtenir une aide financière. Enfin, tu te manifeste, m'avait-elle dit avant de m'expliquer, pendant des longues minutes, à quel point elle était heureuse, à la fois d'avoir acheter cet appartement superbe et d'avoir de mes nouvelles.
Parce que c'est pour vous que je fais tout ça, me confiait-elle. Pour fêter toutes ces "bonnes nouvelles", comme elle disait, elle voulait organiser un repas de famille chez elle, auquel elle me conviait ainsi que ma sœur, Sonia, et son mari Didier. Je ne pouvais refuser d'y assister.
Le week-end suivant, je découvrais ce nouvel appartement. C'était beau, spacieux et très bien éclairé. Je reconnu quelques meubles familiers dans ce cadre nouveau, ce qui produit en moi un sentiment étrange. Il me semblait que, d'un coup, ma mère avait tiré un trait sur mon enfance en faisant disparaître le décor dans lequel j'avais grandi. Je me sentais comme un navire qui, ayant perdu de vue le rivage d'où il est parti, découvre, perdu en pleine mer, qu'il ne pourra jamais y revenir.
Je m'étais disputé avec ma mère lorsque Sandra et moi avions pris la décision de vivre ensemble et une nouvelle fois encore lorsque, Sandra m'ayant quitté, elle n'avait rien trouvé à me dire que, Je t'avais bien prévenu mais tu n'as voulu en faire qu'à ta tête. Elle ne mesurait ni les peines d'autrui, ni les effets de ses paroles. Ma sœur a fait tous les efforts nécessaires pour nous réconcilier, mais, plusieurs mois durant, j'ai refusé de revoir ma mère.
Notre brouille ne m'avait donc pas permis de me préparer à ce changement dans sa vie. Je ne m'attendais pas à une telle impression du fait de ce déménagement, dont je n'avais été informé qu'une fois réalisé, auquel, comme me la fait remarquer ma sœur, je ne me serai de toute manière pas intéressé. Je me sentais malgré tout seul et sans attache. J'étais triste mais je n'en voulais rien laisser paraître.
Nous étions là pour féliciter notre mère afin qu'elle ne soit pas seule au moment de savourer le bénéfice d'une vie d'efforts et de sacrifice. Bravo maman. Nous avons bu du champagne et j'avais le cœur lourd. Sonia se réjouissait de me revoir ainsi que sa mère, évidemment, et Didier semblait en pleine forme.

Ma sœur était superbe. Je me disais que, contrairement aux autres jeunes filles qui, en devenant femme, perdent leur fraîcheur et leur beauté, elle, elle embellissait. Les voyant côte à côte, elle et son mari bien plus âgé qu'elle (Sonia a toujours cherché un père à travers ses liaisons, et toi une mère, elle me répond) je constatais également qu'elle avait beaucoup mûri ; sur le plan de la personnalité, elle avait quasiment refait son retard et Didier ne la dominait plus comme avant, lorsqu'elle était jeune et influençable, en complète admiration devant son âge avancé.
Maintenant, elle semblait avoir en partie démythifié son époux et ce dernier, comprenant qu'il impressionnait de moins en moins sa femme, faisait le beau devant un autre public, en l'occurrence sa belle-mère. Tous deux s'entendaient fort bien d'ailleurs. Bien qu'ils fussent presque de la même génération, ma mère n'avait fait aucune difficulté pour lui accorder la main de sa fille. C'est pourquoi je pense que les mères sont plus difficile dans le choix d'une belle-fille que d'un beau-fils.

Didier nous racontait des magnifiques histoires sur sa réussite professionnelle pendant que nous mangions. Sonia n'écoutait pas. Elle devait toutes les avoir entendus à s'en fatiguer. Ma mère approuvait. A votre place j'aurais exactement fait la même chose.
Perdu dans mes pensées, je me disais que l'adéquation entre ma sœur et son époux était en train de disparaître ou peut-être même n'avait-elle jamais existée. Je pariais sur une séparation prochaine lorsque j'entendis ma mère poser la question ultime. Alors cet enfant ? Vous comptez nous le faire bientôt ? J'ai traduis dans ma tête : Maintenant, faites un enfant parce que vous n'avez plus rien à vous dire, et j'ai regardé Sonia. Elle semblait un peu gênée. Didier a affirmé qu'il n'attendait que ça, avec un grand sourire. Alors il s'est mis à nous conter des projets (en prenant de temps en temps la main de Sonia dans la sienne) dans lesquels ils n'étaient plus deux mais trois, quatre, et voir même cinq.
Je savais que Sonia n'adhérait plus forcément à tous ces projets et j'avais peur que, vaincu par cette pression, elle ne soit plus ne mesure de réagir et de faire quoi que ce soit d'autre, pour elle, que ce que sa mère et son mari avaient décidé. Courage ma sœur, avais-je envie de lui dire, ne te laisse pas avoir, bats-toi car tu vaux bien mieux que tout cela. Bats-toi pour faire de ta vie ce que tu voudrais.
Mais bien sûr j'étais la personne la plus mal placée pour donner ce genre de conseil. Ma vie valait moins que celle de Didier, cet imbécile qui me gratifiait de son sourire et écoutait avec compassion ma mère lui dire qu'elle se faisait beaucoup de soucis pour moi, car je n'arriverais pas à rien dans ma vie. Avec sa pharmacie, son argent, et maintenant son appartement dans le 7eme, notre mère s'efforçait de laver l'affront que lui avait fait un homme en l'abandonnant. Sa vie se résumait à une quête de la respectabilité ou, du moins, de la réussite. C'était sa manière, à elle, de se venger du sort qui, au début, lui avait été défavorable en lui faisant rencontrer mon père. Moi, je n'en voulais malheureusement pas assez au monde ni à qui que se soit pour vouloir prendre une revanche. C'était là le drame.

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